Chagrin d'école


Oui, je ne lis pas  que des trucs au thème, mais... ce que j'apprends de l'historique de l'université Paris 8, l'analyse institutionnelle, Remi Hess et autres c'est qu'on peut faire le lien. Des liens. Donc, Pennac... Ça me donne des idées et en plus, je trouve que ce livre est un peu sous forme de journal et le style diariste c'est ce que m'attire. Je ne trouve pas encore pourquoi le journal dans l'analyse institutionnelle exactement, mais c'est une pratique fascinante.

Je ne peux pas séparer AI de la relation pédagogique, mais je commence à découvrir pourquoi... 

Ce fragment est dédié à l'éducation en général et ses conflits et, oui, je pourrais copier tout le livre... 
"Oui, à écouter le bourdonnement de notre ruche pédagogique, dès que nous nous décourageons, notre passion nous porte d’abord à chercher des coupables. L’Éducation nationale paraît d’ailleurs structurée pour que chacun y puisse commodément désigner le sien :

— La maternelle ne leur a donc pas appris à se tenir ? demande le professeur des écoles devant des bambins agités comme des boules de flipper.
— Qu’ont-ils fichu en primaire ? peste le professeur de collège en accueillant des sixièmes qu’il estime illettrés.
— Quelqu’un peut me dire ce qu’ils ont appris jusqu’en troisième ? s’exclame le professeur de lycée devant la propension de ses secondes à s’exprimer sans vocabulaire.
— Ils viennent vraiment du lycée ? s’interroge le prof de fac en épluchant son premier paquet de copies.
— Expliquez-moi ce qu’on fout à l’université ? tonitrue l’industriel face à ses jeunes recrues.
— L’université forme exactement ce que souhaite votre système, répond la recrue pas si bête : des esclaves incultes et des clients aveugles ! Les grandes écoles formatent vos contremaîtres – pardon vos « cadres » –, et vos actionnaires font tourner la planche à dividendes.
— Démission de la famille, déplore le ministère de l’Éducation nationale.
— L’école n’est plus ce qu’elle était, regrette la famille.
À quoi s’ajoutent les procès internes à toute institution qui se respecte. L’éternelle querelle des anciens et des modernes, par exemple :
— Honte aux « pédagogues bêtifiants » ! hurlent les « républicains » pourfendeurs de démagogie.
— À bas les républicains élitistes ! ripostent les pédagogues au nom de l’évolution démocratique.
— Les syndicats grippent la machine ! accusent les fonctionnaires du Ministère. — Nous restons vigilants ! rétorquent les syndicats.
— Un tel pourcentage d’illettrés en sixième, ça ne se voyait pas de mon temps! déplore la vieille garde.
— De votre temps le collège n’accueillait que des conseils d’administration en culotte courte, persifle le taquin, c’était le bon temps, n’est-ce pas ?
— Tout le portrait de ta mère, ce gosse ! fulmine le père courroucé.
— Si tu avais été un peu plus sévère avec lui il n’en serait pas là ! répond la mère outrée.
— Comment travailler dans une telle atmosphère familiale ? se lamente l’adolescent déprimé aux oreilles du professeur compréhensif.
Jusqu’au cancre lui-même, qui, après avoir usé d’une férocité méthodique pour envoyer son professeur soigner à l’hôpital une longue dépression nerveuse, est le premier à vous expliquer benoîtement :
— Monsieur Untel manquait d’autorité.
Et si tout cela ne suffit pas, nous avons toujours la ressource de désigner en nous-mêmes celui qui porte le chapeau de notre incompétence :
— Je n’y peux rien, je suis comme ça, écrivait à sa maman le cancre que j’étais en demandant qu’on exilât au fin fond de l’Afrique le mister Hyde qui m’empêchait d’être un bon docteur Jekyll."

Petite pause avec "Chagrin d'école" de Daniel Pennac, suivi du septième volume de Harry Potter (c'est honteux, je sais). Poudlard mérite bien une analyse institutionnelle et je ne parle même pas de la relation pédagogique...  

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