Le dragon

Je ne sais pas comment aborder ce dragon, c'est une métaphore sur mon processus créatif qui a pris forme, une certaine forme chez quelqu'un d'autre. Je pense avoir déjà dit quelque part et peut-être plusieurs fois déjà, mais le mystère de la création m'intéresse plus que celui de la vie. Le dernier semble avoir des réponses tandis que la création... Et moi, tout ce que je peux faire, c'est de verbaliser un peu ma propre expérience. 

Mon expérience se limite quand même au résultat de ce moment de saisissement - empruntons ce nom à Anzieu - c'est plus une sorte de transe où corps et esprit produisent l'oeuvre. Evidement, la transe n'est pas toujours au rendez-vous: le plus souvent, ce moment de créer est plutôt douloureux et frustrant. On a une certaine vision ou une certaine idée et la main tout simplement ne suit pas le cerveau... 

Mon rêve, mon moment de travail parfait: tête vide et une grande orchestre symphonique qui me joue du Tchaikovsky et dirige mon rythme et mon souffle. C'est aussi pour remplir ma tête de musique... Et une très grande toile. Plusieurs d'ailleurs. Disposées autour de moi et moi... au milieu... étant dragon!

L'hésitation sentie au moment de révéler un peu mes secrets-sentiments-sensations c'est que je me suis sentie identifiée avec le travail d'un acteur qui fait un film assez commercial. Je n'ai rien en contre les acteurs juste je me demande, chez eux, qu'est-que c'est que prédomine? Création ou interprétation? 

C'est un homme et sa voix et je me sens comme lui, sauf que ma voix se matérialise sur un support. La voix, le souffle, le rythme est aussi important pour moi, le peintre, que pour un chanteur ou un acteur. Ma voix est muette, matérielle, palpable et son processus de transformation-sublimation ne peut pas être saisi par le spectateur. Celui-là  va créer sa propre histoire. 

Mais, quand je peins, je peins comme ce monsieur qui devient un dragon. Pas de costumes, pas de décor, pas d'artifices, pas de public... tout cela viendra après. Il n'y a rien autour, juste cet esprit qui veut prendre forme. Dans mon esprit, et très souvent physiquement aussi, j'essaie d'attaquer la toile avec tout mon corps. Ramper. Cracher du feu. Bien sur que je le fais, mais je voudrais que le spectateur de mon oeuvre le sente aussi. Quand je sais qu'avec cette oeuvre j'ai eu un beau moment de "I am fire, I am death!" ou "my wings are a hurricane" et mon spectateur me lance un "oh... c'est joli, je vois un petit chat et des fleurs!"... ahhhh....... the darkness is coming..... c'est raté... Enfin, ce n'est pas grave: j'adore mes moments dragon. C'est pour cela que je peins d'ailleurs. Je voudrais les avoir à chaque fois que je tiens un pinceau dans la main, mais je pense que c'est pareil pour tous les artistes de tous les domaines de l'art: ces beaux moments d'extase sont rares et viennent après des éternités de frustrations et de dur travail. 

Bon, merci Benedict pour ce dragon avec lequel je me suis identifiée: imagine ta voix matérialisée sur un support! En tout cas ça me donne des idées... je voudrais utiliser du feu pour peindre. Du réel. 





Benedict Cumberbatch faisant la voix du dragon  Smaug.  Ecoutez-le. 

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